Réactivation Allez je me lance.
Le récit qui va suivre je l’ai déjà posté sur un autre forum très restreint et sous une forme un peu différente. En mémoire des sorties V60 «01,38,73,74», je me sentais obligé de le partager ici puisque notre petite aventure est 100 % Aprilia
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Sacré GraalLa quête du Graal fût entamée il y a quelques années déjà.
Tout juste conscientisée elle me conduisit d’abord à travers les Alpes au cours de quatre campagnes alpines successives menées vers l’Est, vers l’Autriche. Puis cette recherche désespérée me ramena au Sud sur les terres cévenoles à l’endroit même où apparurent jadis les premières visions du mythe. Les années passant la carte méridionale française explorée, c’est de l’autre coté de la frontière des Pyrénées que la réponse tant convoitée se révéla enfin.
Le Graal existait.
Ainsi après dix années d’errance, la récompense consommée, la quête prit fin.
Jusqu’à un certain soir du mois de Mai.
Biké fût l’élément déclencheur de la réactivation du Graal, de notre trip dans les Pyrénées. Enfin c’est ce que l’on lui fit croire…
Désormais le V4 a supplanté le V60. Les temps changent, le mythe perdure.FlashbackFight ClubFin mai.
Hôtel La Patache, la voie de stands de la Corniche des Cévennes. Le terme de notre week-end prolongé est proche, trois journées sur quatre sont accomplies, surtout c’est notre dernière soirée en terrasse sous le ciel cévenole étoilé. Plusieurs tournées de poire ingurgitées, la dernière devant nous, Biké nous lance :
« Et si on remettait ça ? »
Ouais mais ailleurs, plus loin, plus longtemps. Mon instinct se réveille.Jean m’avait parlé des Pyrénées françaises, de son envie de relier la Méditerranée à l'Atlantique « tout par la montagne ». Moi cela faisait trois ans que je rêvais de retourner rouler sur ce spot incroyable là bas de l'autre coté de la frontière en face de Perpignan. Et puis tous les échos étaient unanimes, les Pyrénées espagnoles étaient décrites comme le Saint Graal de la moto. Il fallait vérifier cette légende pour de bon, voir de nos propres yeux.
Alors banco pour les Pyrénées ! La France à l'aller, l'Espagne au retour.
« C'est ton idée Biké, t'es obligé de venir ! Croix de bois, croix de fer.»
Alors nous nous préparâmes.
Jean et moi surtout. Biké lui n'eut pas cette chance. Sa chute en Espagne début juin le contraignit au repos pour quelques semaines (ainsi dit ça fait genre…La cruelle vérité est tout autre. En route pour rejoindre Barcelone et le spectacle de Moto GP son élan fût stoppé net sur une plaque de gravier à hauteur du Puy en Velay. C’est sûr que c’est moins classe que Barcelone).
Moi il me fallait juste deux inconscients pour cette aventure.
Jean m'avait deviné bien entendu, Biké un peu moins. Pourtant la logistique fut étudiée avant le périple.
« On part en Supercorsa raides neufs et on remplacera à mi chemin avec rendez vous préalable. »
« Et les pneus pluie ? »
Gros fous rires de débiles, pas si inconscients que ça, quand nous discutâmes chez Jean.
Au final nous convînmes d’une aventure réfléchie et de partir avec des gommes susceptibles de réaliser le trip en entier. Du Rosso 3 à priori.
Deux trips dans les Alpes au mois de juillet et deux trois petites sorties pour valider mon choix. Hors de question de partir avec des pneus que je ne connais pas pour une telle aventure.
Dix jours avant le départ. Allo Max.
Le Rosso 3 est en rupture de stock, reste que du Supercorsa ou du Rosso Corsa.
Va pour le Rosso Corsa, c'est ce que j’utilise habituellement.
J’étudie mes stats, 2500/3000 avec de tels pneus ça devrait le faire sur un mal entendu. Si on fait un peu moins de bornes que prévu peut-être même qu’ils m’emmèneront jusqu'au bout…Et puis on roulera chargé et moins excité que dans les Cévennes. Bref je veux y croire.
Avec le recul et en écrivant cette analyse je pourrais la résumer ainsi: LOL.
Entre temps nous modifiâmes le programme de la semaine. Au départ nous devions traverser les Pyrénées en deux fois deux jours, une première manche coté français, la deuxième côté espagnol.
Finalement nous ferons deux boucles à cheval sur la frontière et deux journées marathon de liaison entre chaque. Une solution plus favorable à la logistique hôtelière et à l'intensité générale du trip aussi. Surtout nous pourrons rouler deux jours sans bagage.
J'envoie ce schéma explicatif à Jean qui lui est en charge de la logistique hôtelière.
On a pas pris beaucoup de photos alors tous les moyens sont bons pour illustrer le CR.
J1 - Sur la Route10h, pompes à essence du Carrefour de Givors. Enfin le voilà ce jour tant attendu !
Mes deux compères sont équipés ultra light niveau bagagerie. Je suis bluffé.
Jean roule avec le dernier Tuono Factory de la production. Biké lui a récupéré son V4 APRC 2012 réparé quelques jours avant le départ seulement et n’a pas roulé depuis ses cotes cassées deux mois auparavant. Moi j’ai le V4 R full black sans APRC, ni GPS, ni dieu. Et le gros sac sur la selle de prime abord sujet aux moqueries mais qui en a sauvé plus d'un. Enfin ça on verra plus tard.
Comme pour les Cévennes Biké nous fait le coup de la panne d'avant départ. Cette fois ci c'est une histoire de clignotant, vite réglée par Jean.
« Tu veux pas aller acheter une batterie à l'Hyper aussi? »
On rigole d’emblée et on en profite pour prévenir Biké qu'on lui laisse la matinée pour retrouver ses marques. Après rien n'est garanti. L’esprit motard, la convivialité, toussa.
Et la Tuono Cup pyrénéenne est lancée.
Direction Le Vigan pour l'étape du soir en passant par le Pilat, le Mont Gerbier de Jonc, l'Ardèche et les Cévennes. Du classique qui nous mènera aux limites de notre rayon d'action habituel. Je modifie un peu l'itinéraire du jour (ainsi je précise avoir diffusé tous les RB de la semaine à l'avance, personne n'a été pris en traître, qu’est-ce qu’on y peut si y'en a un qui n'a rien regardé !), en ne passant que par des routes + et des ++.
Alors ouais j'en suis conscient ça fait un peu psycho mais j'annote mes cartes Michelin. Stabiloté l'itinéraire déjà est bien. Après je qualifie certaines portions d'un +, double + voire triple+ suivant le niveau de gavage. Le quadruple + ce sera pour l’Espagne.
Pause déjeuner à Saint Agrève.
Déjà j’ai l'impression que nous sommes en retard sur le planning. On s'en fout c'est le premier jour, il faut que la mécanique se mette en place. Aussi Biké m’interroge sur le timing et l'horaire d'arrivée à l'hôtel du soir.
« Tout se passera bien, t'inquiète pas ! »
Après maints détours et itinéraires bis, vers 18h sur la route du Mont Aigoual, Jean passera un coup de fil à l'hôtel pour prévenir de notre heure d'arrivée approximative.
Les étapes hôtelières c'est pas comme le camping, tu peux rouler jusqu'à la nuit sans te soucier de monter le bivouac, alors on en profite jusqu'aux dernières lueurs du jour.Nous gagnons Le Vigan et son gîte sur les coups de 20h, de nombreux spots locaux effectués. Comme nous le ferons souvent par la suite (tous les jours ?), nous jetons armes et bagages, ici dans nos chambres monacales de 6 m2, pour une douche bien méritée avant l'apéro et le dîner.
Ce soir, déjà, nous évoquons l'idée d’ériger une pierre tombale en l'honneur de Biké : « Ci-gît Biké, mort au combat pour la cause». Mais il ressuscitera chaque jour et mourra autant de fois.
Rassasiés nous quittons le restaurant en quête d’un bar et de digestifs, en vain.
23h30 tout est fermé dans cette petite ville traversée seulement par le chemin de Compostelle. Alors nous nous résignons à regagner notre hôtel dépourvu de bar.
« C'est un cas de force majeur j'en suis sur! »
Il n’en faut pas plus pour ouvrir le sac magique et taper dans les éléments de premiers secours.
J'ai emporté une flasque de whisky. Et si l'on devait écrire un manuel du road trip moto ce serait l'élément premier à prévoir. C’est tout simplement indispensable. Tu peux tomber en panne d'essence, crever un pneu, casser une levier, péter le moteur, tout ce que tu veux… mais si t'as pas ça t'es vraiment mal!
La première journée, la plus importante, est accomplie avec succès. Pas de problème, pas de panne.
Demain le trip commencera pour de vrai.
J2 - American Psycho9h. Prêts à décoller je remarque la présence d'un liquide sur le sabot du Tuono de Biké et la lui signale.
« C'est une fuite d'huile, je suis mal !!! »
Quel acteur ce Biké.« Laisse tomber, la flasque on l'a vidée hier. »
C'est mauvais signe de taper dans les réserves le premier jour aussi.Juste ça suinte, avec une vraie fuite il y aurait une flaque sous la moto ; en fait il nous prend pour des baltringues.
Biké est véritablement prêt à tout pour se tirer du guêpier dans lequel il s'est fourré. Se lever la nuit pour simuler une panne ne lui fait pas peur. Heureusement Jean identifie très vite sa fourberie et règle le problème de la durite du radiateur d'huile mal serrée aussi sec.
Dans notre joyeux trio les rôles sont répartis, Jean gère la mécanique et la logistique, moi la navigation et l'ouverture, Biké, lui, paie. Et il paie tout !
« T'as pas le choix Biké, c’était TON idée les Pyrénées! »
Ainsi on décolle avec une demi heure de retard mine de rien. Hier c’était une petite journée de 400 bornes et nous étions partis tard (en fait 450, ai-je déjà avoué mon enclin pour les détours et diverses prolongations?) donc je ne pouvais pas évaluer objectivement notre rythme et notre heure d'arrivée. En vérité on aura laissé tomber d'emblée le rythme « tout à toc » des Cévennes pour encaisser physiquement les sept jours à venir. C'était seulement à toc dans les virages et tranquille ailleurs. Bon y'avait pas grand chose d’autre que du virage quand j'y repense…
Bref aujourd’hui c'est la dernière petite étape test de 400 km, celle où je dois me rendre compte si les kilométrages des RB prévus sont réalisables sans arriver à point d’heure ou complétement déconnants. A partir du lendemain on attaquera les 500 bornes de virages de montagne journaliers. Je ne suis pas complètement inconscient! Je ne pense pas à la liste des courses en roulant moi (
conasse!), quand même à deux trois trucs.
J'essaie de ne rien laisser transparaitre même si je ressens une légère pression monter en moi amplifiée par les doutes exprimés par Biké.
Jusqu'ici tout va bien. L'important ce n’est pas la chute mais l'atterrissage, enfin tu connais.
Une précision. J'aime reprendre les choses là où je les ai laissées. Donc on va filer en Espagne reprendre l'histoire au point précis où je l'avais l'abandonnée trois ans auparavant mais on va aussi et surtout la relire à partir des Cévennes, depuis Lodève et sa boucle magique découverte avec Jean et Stéphanie ; personne n'y échappera !Right here, right now !
On démarre par les cirques de Navacelles, ensuite le plateau avant la descente boisée sur Lodève et sa remontée de course de cote incroyable, puis la boucle à l'étroit bitume parfait tout en enchainements de pif, paf, doubles gauches, triples droits, tout ce que tu veux, tout est possible, c'est comme chez Hassen Cehef !
https://youtu.be/7fV7_jM97RABon je ne vais pas en écrire des kilomètres ce fût ainsi durant tout le trip, gavage constant!
Une durée indéterminée plus loin nous quittons les Cévennes pour quelques encablures moins extrémistes mais tout aussi joueuses. Comprendre un tracé plus large et une vitesse idoine. J'atteins la dernière réminiscence qui me sépare de mon Graal espagnol, le col qui descend sur Lézignan-Corbières. Après je ne me rappelle plus la route. Mais là au sommet je me souviens qu’on voit la mer au loin, très loin, imbriquée dans l'horizon aux reliefs décroissants.
Bon les gars tout va aller très vite.Je pointe un index insistant vers le bleu lointain (quand même pas le droit, je ne sais plus).
Z'avez-vu ? J'insiste.
Jean voit. Biké je ne sais pas. Au mieux il se souviendra avoir ralenti sur un sommet.
C'était la Méditerranée.Et on ne la verra pas de plus près, nous devons regagner la montagne. Alors gaz ! On est pas venu pour le tourisme.
Tout du long Jean et Biké en ont rigolé. Mais je suis bien conscient d’avoir joué maintes fois le psycho boy en mode « on s’arrête uniquement pour remplir les réservoirs ».
Passé ce bref interlude, de nouveaux reliefs nous font face, la montagne est là, les petites routes également. Gavage forever ! On ne l'avait pas trop quitté pourtant.
Dernier col en montée depuis une petite ville avant Ax-Les-Thermes notre étape pour deux jours, un gugus en roadster japonais quelconque nous tend la perche (à part KTM et Aprilia je n'entrave rien. Ce n'est pas pour faire genre... Je n’y connais pas grand chose aux motos en vérité), comme on est très joueur on le suit. Et je le regrette immédiatement.
Au premier droit serré le local se retrouve sur la voie d'en face, ses chaussettes bleu ciel droites dans ses Air Max.
Et si le mec se met parterre ? Je suis débile d'avoir joué avec cet énergumène qui se retourne sans cesse pour savoir où je suis, le pouce levé de satisfaction. Bah toi t'es encore plus con que moi je ne te félicite pas !
Nos directions n’étant pas les mêmes, avec soulagement, nous finirons par tourner à gauche pour une dernière descente sur Ax accompagnés de quelques gouttes de pluie.
Perdus, le GPS de Jean nous conduira en ville sur des voies improbables. Nous ne serions sans doute jamais arrivé à destination sans le GPS, mais ma carte Michelin ne m'aurait jamais fait ça !
18h55. Fait incroyable nous sommes en avance.
Alors Biké en profite pour laisser tomber à l'arrêt sa moto devant la porte de notre garage dédié.
Une fois les dégâts insignifiants établis on s'est bien foutu de sa gueule, pas d’inquiétude !
Jetage de bagages. Douche. Triple apéro. Restau. Digeo. Dodo. On verra pour le casino.
Demain ce sera la conquête du Graal épisode 1.